La biographie de Lucien Sève

« Vivre, ce n'est pas avoir des comportements, c'est mener une existence »

Les 3 vies de Lucien Sève, philosopheDVD Métis Films, 2018

Professeur de philosophie dans l'enseignement secondaire pendant vingt ans (1949-1970) ; directeur des Éditions sociales, maison d'édition théorique et politique du PCF, pendant douze ans (1970-1982) ; membre du Comité Consultatif National d'Éthique pour les sciences de la vie et de la santé pendant plus de quinze ans (1983-2000) ; adhérent et militant du PCF pendant soixante ans (1950-2010) et membre de son Comité central pendant plus de trente ans (1961-1994) ; co-fondateur en 1984 et animateur du mouvement de la Refondation communiste ; responsable associatif et syndical pendant une grande partie de sa vie (France-URSS ; SNES) ; membre de directions de revues et d'organismes de recherche du PCF (Nouvelle Critique ; IRM) ; auteur de très nombreuses publications ; organisateur et intervenant dans des séminaires de recherche, conférences d'éducation populaire ou à l'école centrale du PCF ; créateur, avec d'autres, de la maison d'édition La Dispute (1997) ; prix de l'Union rationaliste pour l'ensemble de son œuvre (2008) ; retraité intellectuellement actif pendant plus de trente ans (1986-2020)...

Pour une première approche de la vie de Lucien Sève

* On lira dans Le Maitron (lien externe) une biographie rédigée par Jacques Girault et revue par Lucien Sève

* On cherchera dans Wikipédia (lien externe) d'autres informations biographiques et bibliographiques

* On regardera sur YouTube (lien externe) le film documentaire de Marcel Rodriguez Les 3 vies de Lucien
Sève, philosophe

On trouvera d'autres informations biographiques dans

* Lucien Sève. Le continent biographie, dans Psychanalyse et sciences sociales,
de Michèle Bertrand & Bernard Doray ; Éditions La Découverte, 1989, p. 161-172

* Lucien Sève. Marx et nous. Penser avec Marx aujourd'hui, tome 1 ; La Dispute, 2004, p. 249-264

* Lucien Sève. Pour une science de la biographie ; Éditions sociales, 2015, p. 7-67

* Lucien Sève. Marx, toute une vie, in Avec Marx, philosophie et politique, entretiens sous la direction d'Alexis Cukier et Isabelle Garo ; La dispute, 2019, p. 139-169

Et encore bien d'autres suggestions dans

* Le Grand Tableau Sève (lien externe) : à l'onglet « Le biographique, le familial et l'amical »

La collection de papillons

« [...] la collection de papillons à laquelle j'ai voué une durable passion, là encore depuis mes dix ans – l'époque de mon entrée en sixième a décidément été pour moi celle d'une floraison d'activités nouvelles. Je me rappelle très bien de quelle façon la chose a commencé... » 1« Un jour de la fin d'été 1937 où nous avions été tous les quatre à La Motte, au moment de rentrer à Chambéry un papillon splendide au vol très vif est venu se poser presque devant nous sur un mur en plein soleil de la propriété, se faisant admirer en entr'ouvrant doucement ses ailes : du velours noir barré en haut et entouré en bas de vermillon strident, avec quelques taches blanches rehaussant l'ensemble. Incroyablement beau : j'ai appris par la suite qu'il s'agissait d'un Vulcain, la plus belle des vanesses – même si le Paon de jour ou la Belle Dame, du même genre, ne sont pas mal non plus. Le Vulcain n'ayant pas l'air pressé de partir, on a couru à la voiture où il y avait le chapeau scout de Robert – instrument des plus inappropriés en l'occurrence, mais quoi d'autre ? - et d'un geste preste nous l'en avons recouvert. Restait le plus difficile : passer la main à tâtons sous le chapeau pour tenter d'attraper la bête sans l'abimer. Je me demande encore comment j'ai pu y réussir, manquant alors de toute expérience quant à la façon de prendre sans dommages un papillon entre les doigts, spécialement un Vulcain, papillon aux longues migrations – il y en a qui vont d'Espagne en Scandinavie et retour – qui est tout sauf un empoté. Ce Vulcain magnifique a été le choc émotionnel d'où est née ma collection. » 2« Quelle n'a pas été ma surprise de découvrir, dans les Écrits français du célèbre marxiste allemand Walter Benjamin, deux pages intitulées « Chasse aux papillons » qui me parlent d'infiniment près. Lui aussi, enfant en villégiature au Brauhausberg près de Potsdam, avait senti battre son cœur pour « ces vulcains, ces paons de jour et ces aurores » dont il dit avec des mots de connaisseur avoir été « fasciné ». (Écrits français, Gallimard, 1991, p. 73-74). »
[Extraits du document inédit Qui je fus. Petite biographie à usage familial ; décembre 2006]

Sur le dessus de la boîte à papillons à trois étages figure cette consigne, écrite de la main de Lucien Sève 3« Collection Lucien, commencée par le vulcain de droite, sans doute en 1938.
Demande à être manié avec de grandes précautions... (souligné)
1/ Ouvrir le couvercle lentement, éviter tout courant d'air, ne pas souffler dessus...
2/ Sortir les cartons, surtout le 2ᵉ, en le soulevant légèrement, sinon il accroche les épingles du carton suivant et casse les papillons. Mais ne pas non plus le soulever trop, sinon on casse les ailes des papillons de ce carton... »

[Merci à Jean Sève pour cette étonnante découverte]

Le dessin
« Parmi tous mes dessins imitatifs, celui qui produit sans doute le plus d'effet est la double planche aux crayons de couleur présentant quelques-uns des plus beaux papillons de jour et de nuit qu'on trouve en France – Papa a mis sa science à en faire réaliser une reproduction imprimée de remarquable qualité, ce qui à l'époque en tout cas n'était pas chose simple. »
[Extrait du document inédit Qui je fus. Petite biographie à usage familial ; décembre 2006]

Mais une fois de plus fonctionnait ainsi dans mes loisirs la logique générale de mon travail scolaire : il s'agissait d'apprendre, non pas vraiment de comprendre ; de recopier, d'imiter, de mimer, non de créer et d'inventer. Singer étant de fondation ma spécialité, je suis assez rapidement devenu habile. 4
[Extrait du document inédit Qui je fus. Petite biographie à usage familial ; décembre 2006]

« C'est seulement en première, en terminale, c'est-à-dire vers mes quinze-seize ans, que j'ai commencé à vouloir m'émanciper de tout ce recopiage. (...). Je me suis essayé au portrait sur la famille et les camarades de classe, à l'auto-portrait aussi – malgré tout ce qui y sent d'autre manière le pastiche, celui que j'ai fait en 1948 ne me paraît pas inavouable. » 5 « À la veille d'entrer en hypocagne, il me semble que, loin encore de tout art au sens vrai du mot, je devenais du moins un peu capable de regarder. J'étais en recherche, j'allais accéder peut-être à un début de liberté dans l'imaginaire. C'est juste le moment où le passage au rythme de travail écrasant de la cagne m'a ôté tout loisir pour le dessin. La simple maîtrise du geste avec crayon ou plume à dessin s'est peu à peu évanouie. »
[Extrait du document inédit Qui je fus. Petite biographie à usage familial ; décembre 2006]

Le violon

« On le dit, et c'est absolument vrai : pratiquer de façon un peu poussée un instrument change en profondeur l'écoute musicale ; ce qui n'était que plaisir extérieur devient joie intime. On ne perçoit richement que les qualités sensibles qu'on est capable de produire soi-même ; telle note de Grumiaux dans la dernière page de la chaconne m'émeut aux larmes parce que je sais le difficile geste exact qui peut la faire retentir telle qu'elle sonne chez lui, si distincte de son homologue banal – il est vrai qu'il joue un Guarnerius... » 6« C'est une sonorité qu'on obtient en faisant remonter rapidement l'archet de tout son long, de la pointe au talon, sans guère appuyer sur la corde, laquelle ronfle alors avec intensité étouffée en une plainte déchirante. - Du temps de Bach, on jouait du violon avec des archets plus courbes et aux crins moins tendus qu'aujourd'hui, de sorte qu'on pouvait rendre en une seule émission sonore des accords de trois notes simultanées, sinon de quatre, accords qui abondent dans la chaconne et qu'avec un archet moderne on doit décomposer en deux accords de double corde successifs, ce qui, sauf grand talent, confère à l'écoute une rudesse un peu rebutante pour beaucoup. » 7
[Extrait du document inédit Qui je fus. Petite biographie à usage familial ; décembre 2006]

Johann Sebastian Bach - Chaconne, Partita No. 2 BWV 1004 | par Arthur Grumiaux